CRISE SANITAIRE : QUELS SONT LES POUVOIRS DES MAIRES ?

CRISE SANITAIRE : QUELS SONT LES POUVOIRS DES MAIRES ?

Publié le : 30/04/2020 30 avril avr. 04 2020

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a introduit en droit français une nouvelle situation juridique : l’état d’urgence sanitaire.
Or, la déclaration de l’état d’urgence sanitaire sur le territoire français a entraîné l’édiction de mesures qui dérogent pour la plupart largement au droit commun. Se pose ainsi la question des autorités compétentes pour prendre des mesures en vue d’endiguer l’épidémie.
Le Code de la santé publique identifie et énumère les autorités de police désignées pour faire face à l’épidémie ainsi que les pouvoirs dont elles sont titulaires.
Le Premier ministre peut ainsi, « aux seules fins de garantir la santé publique » :
  • - restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret,
  • - interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé,
  • - ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine,
  • - ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement,
  • - ordonner la fermeture provisoire d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité,
  • - limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature,
  • - ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire.
Le Ministre chargé de la santé peut, quant à lui prescrire par arrêté toute mesure règlementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé. Il peut également prescrire toute mesure individuelle nécessaire à l’application des mesures déjà prescrites par le Premier ministre.
Enfin, le Premier ministre et le Ministre chargé de la santé peuvent habiliter les Préfets à prendre des mesures générales ou individuelles d’application.
Le Code de la santé publique précise qu’une exigence de proportionnalité doit guider les autorités dans l’édiction de ces mesures. Cela n’a rien de surprenant dès lors qu’en matière de police administrative, seules des mesures nécessaires et strictement proportionnées peuvent être édictées.
Dans ce contexte, les maires ont-ils la possibilité d’agir ?
Le Code de la santé publique confie au Premier ministre, au Ministre chargé de la santé ainsi qu’aux Préfets un pouvoir de police administrative spéciale. Or, en pareil cas, seules certaines conditions permettent aux Maires d’agir.
En effet, les maires sont, par principe, titulaires d’un pouvoir de police administrative générale qui leur permet d’édicter toute mesure afin de préserver la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques.
Or, ce pouvoir de police ne leur permet pas d’agir systématiquement lorsque d’autres autorités sont titulaires d’un pouvoir de police spéciale. Tel est le cas dans le cadre de la lutte contre le covid-19.
La jurisprudence est constante et a récemment été rappelée par le Conseil d’Etat : seules des circonstances locales particulières permettent aux Maires d’aggraver une mesure édictée au niveau national.
Ainsi, les maires ne peuvent prendre des mesures complémentaires que si des circonstances propres à leurs collectivités l’imposent.
Dans son ordonnance en date du 17 Avril 2020, la Haute juridiction administrative rappelle tout d’abord que les maires peuvent contribuer à la bonne application des mesures décidées au niveau national (Conseil d’Etat, 17 Avril 2020, Port d'un masque de protection Commune de Sceaux, n° 440057).
Ils ne sauraient en revanche prendre d’autres mesures destinées à lutter contre l’épidémie, sauf à ce que « des raisons impérieuses » liées à des circonstances locales les rendent indispensables et à condition de ne pas compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par l’Etat.
Ainsi, le Juge des référés du Conseil d’Etat estime que l’arrêté du Maire de Sceaux, destiné à imposer le port du masque sur l’espace public du territoire de sa commune, n’est pas justifié.
Chloé Daguerre,
Elève avocate,
Cabinet ARCC.


Conseil d’Etat, 17 Avril 2020, Port d'un masque de protection Commune de Sceaux, n° 440057

 

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